Kaleidoscope | Elden Ring et les vestiges d’une vie aquatique oubliée
Par Loudic
« Ils étaient de couleur verdâtre et avaient le ventre blanc. Leur peau semblait luisante et lisse, mais leur échine se hérissait d'écailles. Leur corps vaguement anthropoïde se terminait par une tête de poisson aux yeux saillants toujours ouverts. Sur le côté de leur cou s'ouvraient des ouïes palpitantes et leurs longues pattes étaient palmées. Ils avançaient par bonds irréguliers, tantôt sur deux pattes, tantôt sur quatre... Leur voix coassante... avait toutes les nuances d'expression dont leur visage était dépourvu. » H.P Lovecraft, Le Cauchemar d’Innsmouth
Sou(l)s l’océan
En cliquant sur cet article vous vous êtes peut-être questionné : « Quel rapport entre Elden Ring et la thématique de l’eau ? » Je ne peux pas vraiment vous en vouloir, mais ce serait négliger une symbolique qui a toujours fait partie des jeux FromSoftware. Peut-être pas en surface, je veux bien l’admettre, mais plutôt comme une ondée presque imperceptible, quelque chose qui nous échappe mais que l’on sent bien enfoui sous les interminables vagues de Lore qui nous arrivent en pleine tête.
Négliger la thématique aquatique dans les jeux FromSoftware, c’est oublier le Lac Cendré de Dark Souls 1, l’une des zones les mieux cachées du jeu (derrière deux murs illusoires qui se succèdent, rien que ça). L’une des zones les plus mystérieuses aussi, que l’on peut encore voir aujourd’hui comme une zone conceptuelle, à laquelle les auteurs n’auraient pas eu le temps de mettre un point final. Mais qui continue de vivre, 13 ans après : ses arbres infinis dont on ne voit pas la cime, son dragon ancestral dont on peut rejoindre le serment ou couper la queue pour obtenir une arme puissante, ses champignons bipèdes, ses gigantesques coquilles Saint-Jacques prêtes à nous avaler…
Mais surtout, les Hydres, créatures mythologiques à plusieurs têtes, que l’on croisera à deux reprises dans Dark Souls 1. Leur origine et la raison de leur présence sont encore aujourd’hui un mystère pour les traqueurs de Lore. Nul doute en tout cas qu’elles témoignent d’un attrait déjà non dissimulé du studio japonais et de son créateur, Hidetaka Miyazaki, envers tout ce qui peut relever d’une mythologie aquatique.
Étonnamment, ce n’est qu’en 2019 avec Sekiro, que pour la première fois le protagoniste d’un jeu FromSoftware va pouvoir faire le grand plongeon. Il existe plusieurs zones aquatiques dans Sekiro, mais vous n’avez pas la faculté en début de partie de plonger pour en découvrir les profondeurs. C’est aux 2/3 de l’histoire principale, à peu près, que Loup obtient cette capacité, lui donnant l’opportunité de ramasser des trésors et de se battre avec les fameux Sans-Âmes (parmi les Boss les plus compliqués du jeu).
Ou encore de croiser les nageoires de la fameuse Carpe Géante au Palais d’Ashina, inspirée de la légende de la Carpe Koï, qui après avoir remonté le fleuve, s’envolerait vers le ciel en se transformant en dragon. Ce n’est pas innocent dans la mesure où à la fin de cette même zone, se tient un affrontement absolument inoubliable contre le Dragon Divin de la légende, dont on cherche à extraire une larme.
Enfin, négliger la thématique aquatique dans les jeux FromSoftware, ce serait oublier Bloodborne, qui reste à ce jour la meilleure adaptation de l’univers de Lovecraft sans jamais en prononcer le nom. Vous êtes certainement familiers du mythe de Cthulhu, ce monstre « venu des étoiles » inspiré de nombreuses légendes européennes et orientales, une bête ailée à la tête de seiche et aux tentacules de pieuvre.
« Nul ne saurait décrire le monstre ; aucun langage ne saurait peindre cette vision de folie, ce chaos de cris inarticulés, cette hideuse contradiction de toutes les lois de la matière et de l’ordre cosmique » H.P Lovecraft, L’Appel de Cthulhu
Vous l’êtes peut-être un peu moins de Ceux des Profondeurs, apparaissant dans la nouvelle, le Cauchemar d’Innsmouth. Des êtres amphibies fictionnels, vivant dans des cités sous-marines et se reproduisant généralement avec des êtres humains. Ceux des Profondeurs vénèrent Père Dagon et Mère Hydra comme des divinités parentales au sein de l’ordre ésotérique de Dagon, un culte mystérieux « originaire de l’Est » qui prodigue une pêche abondante aux peuplades qui s’y adonnent.
Des thématiques et des influences que l’on retrouve à la fois dans Bloodborne, avec son village de pêcheurs sur lequel s’est échoué le grand Ancien Kos, et dans Sekiro, puisque Ashina, la ville du jeu, présente également un village assez similaire dans ses profondeurs. (C’est d’ailleurs dans ce village que l’on obtient la faculté de « plonger »)
Elden Ring étant un melting pot de toutes les influences rencontrées par FromSoftware au fil des années, il était donc logique de les retrouver dans leur œuvre majeure, leur Magnum Opus. Comme souvent avec le studio japonais, et c’est un point commun avec Lovecraft, ce qui est simplement suggéré, mais jamais montré, suscite plus de peur, d’attrait et de mystère qu’à l’accoutumée. C’est ainsi que la question qui a initié cet article : « Quel rapport entre Elden Ring et la thématique aquatique ? », commence doucement à s’effacer sur les sables d’une berge abandonnée.
La Carte Oubliée
Il existe deux types d’histoire dans Elden Ring : l’histoire que le jeu veut bien nous montrer, cryptique certes, mais visible de tous. Dialogues avec les personnages, narration environnementale, description des objets, cette histoire a beau demander un investissement et un certain travail de recherche, elle reste accessible à tout un chacun.
Et puis il y a l’histoire cachée, celle qui se terre dans les limbes, derrière le code du jeu, accessible seulement aux plus fervents et bien nommés « Data-miners ». Ces érudits du code qui depuis des mois maintenant, parcourent les fichiers du jeu pour tenter de mettre la main sur une quête oubliée, un ennemi non utilisé, ou un concept de zone qui n’aura pas abouti.
Ainsi, aux côtés des Vaatividya et autres conteurs de Lore, on a vu fleurir des archéologues, des explorateurs du passé, des Zullie the Witch, qui ont par exemple permis de découvrir une quête non utilisée entourant le personnage de Miquella.
Si les deux pratiques sont foncièrement différentes, elles ne s’opposent en rien, au contraire, elles se complètent, et les actions conjointes des traqueurs de Lore et des Data Miners permettent aujourd’hui de reconstituer l’univers contorsionné et fragmenté de ces jeux.
C’est justement cette histoire cachée qui va nous intéresser aujourd’hui, et plus précisément celle d’une carte, que tout le monde semble avoir oublié. Il y a un peu plus de deux ans maintenant, lors de la première Bêta fermée d’Elden Ring, les joueurs ont eu accès à une map, qui n’a plus grand-chose à voir avec celle à votre disposition aujourd’hui.
On y aperçoit des créatures marines, des bateaux, et des inscriptions mystérieuses n’apparaissant pas dans la carte définitive. Si à la base les joueurs ont pu penser qu’il s’agissait tout simplement d’une déclinaison quelconque d’écriture runique, un joueur chinois finit par reconnaître l’alphabet Yi, un dialecte extrêmement rare en Chine.
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